• Dolores

    Dolores


    1)

       Olivier nourrissait une secrète admiration pour la beauté de Dolores. Elle le fascinait tant, qu'il l'avait prise clandestinement pour muse. Elle était la lumière de ses élans lyriques. La source bienveillante à laquelle, sans tambour ni trompette, il puisait. L’idée de chercher à la séduire ne lui avait pas même effleuré l’esprit. Il préférait se tenir dans une distance fantasmagorique, enveloppé du filtre de ses propres rêveries, où chaque apparition de la demoiselle fleurer la venue d'une déesse licencieuse. C'est dans ce flirt furtif, où il suspendait son désir, qu'il trouvait la ressource d'écrire. Un jour peut-être, lui offrirait-il un recueil? Un jour peut-être, parleraient-ils de poésie?

    Quand elle lui avait téléphoné, ce dimanche matin, il était en train de terminer l'ébauche d'un nouveau poème:


    Eventaille

    La danseuse en robe de pluie
    Sa silhouette en jupe de brume
    Sa poitrine corsée de notes
    Ses gestes fins sarments du rythme


    Met dans l’orgue de barbarie
    Des paravents senteur d’opium
    Cappe folle au talon des bottes:
    Là la musique monte aux cimes.


    Comme elle danse! Et l’accompagne
    Les beaux ballets de ses fantômes
    Guidant les valses de ses ombres.


    Gracieux tango ivre du pagne,
    L’évent est mort, la danse est trombes,
    La salsa nue s'offre à nos rêves

      

    La sonnerie résonna alors qu'il décidait d'écarter le point final du dernier vers. Dolores lui confia qu’elle se sentait chagrine. Le temps pluvieux la contrariait. Elle avait besoin de parler à quelqu'un. Il lui répondit qu’elle pouvait passer chez lui en début d’après-midi. Il se plongea alors dans les limbes d'une rêverie stérile, laissant sa nouvelle ébauche en l'état. Il reviendrait plus tard sur ce poème. Pour l'heure, il se réjouissait de se voir attribuer le rôle de confident. Il lui plaisait qu'elle ait pensé à lui pour venir apaiser ses humeurs maussades. 

    Il l'a reçue avec beaucoup d'amabilité. Tandis qu’ils buvaient un café, elle s'épanchait évasivement sur ses petits soucis, en fumant. Sa bouche était couverte d’un rouge à lèvres épais. Il s'efforçait d’être à l’écoute, serviable, tâchant de répondre du mieux qu’il pouvait, bien que ce qu'elle lui disait lui paraissait trivial. Peu à peu, elle se rapprochait de lui, adoptant ces attitudes que les femmes savent s'y bien prendre pour signaler leur disponibilité. Elle avait des yeux d’un bleu azur transparent, d'une sidérante beauté. Il saisit qu'elle était venue pour lui offrir des douceurs qu'il ne lui réclamait pas. Il décida de lui faire l'aveu qu'il s'inspirait d'elle pour écrire. Le moment lui parut opportun.

    Dolores_ Alors comme ça, tu es écrivain.. et tu t'inspires de moi.. comme c'est mignon..

    Olivier_ J'écris des poèmes, oui.

    Dolores_ Et bien pour une surprise, c'est une surprise..

    Olivier_ Tu veux que je t'en lise un?

    Dolores_ Oui, si ça peut te faire plaisir.

    Olivier prit un feuillet.

    Olivier _ C'est un poème en vers libres.. c'est un éloge de la beauté.

    Il débuta sa lecture:

                                                                            Eloge

         Femme avec toi commence les sentiers de la forme;
        Nue écumeuse née des embouchures des astres
        Songe de lune delta du Nil, où baignent les berceaux,
        Tes mers diverses dispersent neige sur les monts!

        Qu’un amant idéal te fixe à ton levant,
        Main gracile où le signe vient caresser le cygne
        Tes lignes rendent grâce à celui qui les baise
        Et le Livre est le lit de ton précieux couchant.

        Délassements de sueurs, de diamants, d’or, de miel,
        La Nature en tes anses noue sa fertile croupe,
        Dont l'éclat pur dénoue l’inlassable lacet,
        Comme s'écoule l'hydromèle dans ma coupe.

     

    Il lut ce poème sans la regarder, comme s'il adressait une prière à une divinité surnaturelle. Quand il eut fini, il la regarda à nouveau, plongé dans un mutisme incertain, attendant ses réactions. Dolores, qui n'avait jamais prêté le moindre intérêt à la poésie, n'aurait su dire de quoi ce poème parlait. Tout au plus avait-elle entendu un joli assemblage de mots. Elle était partagée. L'idée qu'un homme puisse écrire en s'inspirant d'elle flattait sa vanité. Mais Olivier avait mis tant de ferveur et de sérieux dans sa lecture, qu'elle avait dû se retenir de rire aux éclats. Elle ne pouvait réprimer en son fond intérieur un sentiment inconfortable qui traduisait le caractère comique que prenait la situation. Il semblait attendre quelque chose d'elle, qu'elle ne pouvait pas lui donner. Elle jugea qu'il lui fallait bien vite éluder une discution sur un sujet auquel elle n'entendait rien. Elle revint donc aux objectifs qu'elle s'était fixait en se rendant chez lui.

    Dolores_ C'est très beau Olivier. Je me sens très flattée. Mais tu sais, il faut que je te fasse moi aussi un aveu. Je ne suis pas venue chez toi aujourd’hui pour voir seulement un copain.

    Olivier_ C'est bien ce qu'il me semblait. 

    Dolores_ Laisse-moi te montrer.. tu veux bien?

    Elle glissa sa main entre ses jambes, et commença à lui caresser le sexe. Bien qu'embarassé par le fait que les choses puissent passer si soudainement du coq à l'âne, il ressentit une grande stimulation, et se mit à bander. 

    Olivier_ Dolores, je ne voudrais pas que tu crois que je t'ai lue cette poésie pour essayer de te séduire.

    Dolores_ Ne t'inquiètes pas.. laisse-toi plutôt aller..

    Olivier_ Es-tu vraiment sûre de vouloir coucher avec moi? Tu sais qu'il n'est pas du tout certain que notre amitié soit pareille, après..

    Dolores_ Et pourquoi voudrais-tu que notre amitié ne soit plus pareille après.. quel mal y-a-t'il à se faire du bien? 

    Olivier_ Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée..

    Dolores_ Détends-toi. C'est à mon tour de te montrer ce que je sais faire..

    Elle ouvrit sa braguette et commença à lui masser les couilles.

    Olivier_ Tu veux faire ça sur mon canapé? 

    Dolores_ Oui, il est très bien ton canapé. Allez, j’ai envie de me changer les idées, de m’amuser.. embrasse-moi, tu veux bien..

    Elle posa sa bouche sur la sienne. A présent, elle avait débouclé sa ceinture, largement ouvert son pantalon, et entièrement sorti son sexe, qu’elle branlait avec douceur.

    Dolores_ Alors, tu aimes ce que je te fais.. 

    Olivier_ Oui.. 

    Dolores_ Tu ne voudrais pas que je m’arrête, maintenant.. 

    Olivier_ Non, continue, c’est bon. 

    Dolores_ Oui, tu es bien dur.. allez, laisse-toi aller..

    Il l’embrassa avec plus d'ardeur, tandis qu’il caressait ses seins. Dolores avait une poitrine volumineuse et magnifique. Elle le savait. Elle fit bien vite en sorte qu’il puisse la voir. Il y plongea. Elle le masturbait lentement, passant alternativement des couilles à sa verge, et de sa verge à ses couilles. Il déboutonna son pantalon, et frotta délicatement sa chatte, en continuant de lui lécher les seins.

    Dolores_ Alors, tu aimes sentir comme mon sexe te mouille les doigts..? 

    Olivier_ Oui..

    Dolores mesurait adroitement l’intensité du branle qu’elle lui faisait. Elle ne voulait pas qu’il s'excite trop vite.

    Dolores_ Descend ta tête entre mes jambes, oui, comme ça.. tu aimes l’odeur de ma chatte..? 

    Olivier_ Oui, c’est chaud, humide, ça sent bon..

    Dolores_ Tu sais, elle est toute propre.. je l’ai lavée en pensant à toi.. embrasse-là, passe ta langue dessus..

     

    Dolores



    Elle constata avec joie qu’il savait lécher. Ce fut un vrai délice. La tête de son amant baignait dans sa mouille, et plus elle mouillait, plus il léchait. Quand elle sentit qu’elle allait enfin jouir, elle fit en sorte d’accélérer son branle. Il la lécha avec plus d’entrain encore, et Dolores eut un orgasme clitoridien comme elle les aime, tandis qu'Olivier déchargeait sur le canapé.

    Elle patienta une petite demie heure, peut-être, en fumant une ou deux cigarettes. Olivier avait la tête posée sur son ventre, et lui parlait de poésie. Il lui parlait de sa beauté, et de la façon dont il s'efforçait de la transfigurer dans ses poèmes. Elle écoutait à peine. Elle se souvenait de ses cours de français au lycée, où elle s'était tant ennuyée. Tout ce qu’elle voulait, c’était s’en aller.

    Olivier_ Dolores, que dirais-tu de faire l’amour dans ma chambre? Je pourrais ensuite te lire d'autres poèmes. 

    Dolores_ Heu, dis-moi, qu'elle heure est-il?

    Olivier_ Attends.. il est 16 heures 30.

    Dolores_ Déjà! Mon dieu, je n'ai pas vu le temps passer. Je dois partir. J'ai rendez-vous avec Myriam. Mais on pourra faire l'amour un autre jour.

    Olivier_ Tu es sûre que tu ne veux pas rester? Tu pourrais même dormir ici ce soir. Il te suffit de passer un coup de fil à Myriam.

    Dolores_ Je suis désolée, mais il faut vraiment que j'y aille. C'est important. On se téléphone, d'accord?

    Olivier_ Ok, on se téléphone..


        2)

        La terrasse du jardin était ensoleillée. Dolores fumait, se dorant comme une chatte. Myriam avait écouté attentivement tout son récit. 

    Myriam_ C’est vrai que c’est dingue.. à t'en croire, ce mec est tombé fou amoureux de toi.

    Dolores_ Oui, complètement fou. Je le branle. Il me lèche, et pan.. raide dingue de moi. Tu te rends compte? Enfin merde, ce n’était qu’une branlette et un cunilingus. Juste un peu de plaisir. Et voilà qu'il veut organiser des petites soirées romantiques.. il me cause de boudoir, d'alcove, de Baudelaire, d'invitation au voyage.. franchement, tout ça me passe à côté..

    Myriam_ Ça, ma belle, c'est tout de même plutôt flatteur.. j'aimerais bien qu'un homme m'écrivent des choses galantes. Puis qu'il me les lise, avant de me prendre.

    Dolores_ Ouais, ouais.. qu'est-ce que tu voulais que je fasse.. je ne suis pas une littéraire..

    Myriam_ Et tu lui as demandé ce qu'il voulait vraiment? 

    Dolores_ Non.. j'ai sentie qu'il fallait que je me sorte au plus vite cette épine du pied.. alors je lui ai parlé de mes autres amants, de mes tendances lesbiennes.. je ne suis pas venue à ses rendez-vous.. j’ai cessé de répondre à ses appels téléphoniques.. et il revenait dans mes jupons, en dressant ses bouts de papiers comme si c'étaient des bouquets de fleurs. Grand dieu! Alors j'ai fini par lui dire que ce qu'il écrivait ne voulait rien dire.

    Myriam_ Et tu en es définitivement débarrassée?

    Dolores_ Il faut croire que j'ai touché là où ça fait mal. Puisque depuis, il ne s'est plus manifesté.

    Myriam_ Tu t’es montrée un peu cruelle.. c’est tout de même toi qui t’es jetée sur lui la première.

     Dolores_ Ben ouais. Je le trouvais joli garçon, et je voyais bien comme il me reluquait en douce. Je pensais qu'il serait content qu'on ait une petite aventure ensemble. Mais vue la vitesse à laquelle il m'a sorti les grands violons, je n'ai pas eu le choix.

    Myriam_ On a toujours le choix.

    Dolores_ Il aurait été beaucoup plus cruel de le laisser se bercer dans ses illusions.

    Myriam_ hum.. tu es quand même une sacrée salope..

     Dolores_ Je ne pouvais tout de même pas prévoir qu’il allait se répandre en effusions romantiques comme ça.. c’est vrai, quoi.. si on devait mettre un panneau de signalisation du genre: “attention, femme en manque de sexe”, chaque fois qu’on veut s’amuser, tu imagines le tableau..?

    Myriam_ Ouais, tu ne m’ôteras pas de l’idée que tu es une belle salope. Et une belle conne aussi.

    Dolores_ Bah, tu peux parler, toi..

    Myriam_ Moi, je me contente de les mener par le bout de la queue, puisqu’ils aiment tant ça.. mais je ne les humilie pas. 

    Dolores_ Oui.. et bien changeons de sujet tu veux.. d'autant que j’ai d’autres projets dans l’immédiat.

    Myriam_ Ah oui..?

    Dolores_ Oui.. ce soleil m’échauffe les sens.. pas toi? 

    Myriam_ Effectivement si.. 

    Dolores_ Qu’attends-tu pour m’inviter dans ton lit? 

    Myriam_ Et bien allons-y.. tu sais très bien que je suis ton obligée..


    Dolores

     

        3)

        Le balcon était ensoleillé. Olivier regardait les branches des arbres secouées par le vent. Gilles avait écouté attentivement tout son récit.

    Gilles_ Et tu penses que c'est la lecture de ton poème qui lui a fait prendre la tangente?

    Olivier_ Je ne vois pas d'autres explications. Après tout, elle était venue pour s'envoyer en l'air avec moi. Et elle s'est enfuie comme si je l'avais demandée en mariage.. non mais franchement, j'ai l'air aussi taré que ça?

    Gilles_ Sincèrement Olivier, prendre une gonzesse comme Dolores pour incarner ta muse, c'est un sacré délire..

    Olivier_ Et pourquoi pas? Elle est superbe.

    Gilles_ Ouais.. ouais, elle est canon.. je t'accorde que question business, bijouteries, fringues, et lingerie fine, elle connaît son rayon. Mais bon, ça reste une super baiseuse, point barre. Elle se fout de l'art et de la culture comme de sa première capote.

    Olivier_ C'est dommage.. j'aurais vraiment aimé passer des nuits à lui faire l'amour en lui lisant des poèmes.. mais il m'a été impossible de me faire entendre.. elle m'a d'ailleurs sorti un tel tissu de conneries, qu'elle a même réussi à ne plus rien m'inspirer. Enfin, toutes ces inepties auront au moins fait courir ma plume.

    Gilles_ Du coup, qu'est-ce que tu comptes faire du recueil?

    Olivier_ Il est presque fini. Je devais l'intituler Poèmes à Dolores. Mais vu le gâchis, va falloir que je trouve un autre titre.

    Gilles_ Fin de l'histoire?

    Olivier_ Ouais, fin de l'histoire.

     

        4)

    Le téléphone sonna. Olivier décrocha

    Olivier_ Allo?

    Myriam_ Bonjour Olivier, c'est Myriam. Je suis une copine de Dolores. On s'est croisé plusieurs fois déjà. Vous me remettez?

    Olivier_ Je vous remets, oui. Que voulez-vous?

    Myriam_ Je vous appelle parce que Dolores m'a fait part de votre petite mésaventure à tous deux.

    Olivier_ Et alors? Je ne vois pas en quoi ça vous concerne.

    Myriam_ En rien, en rien.. mais quelque chose me dit qu'il y a eu un malentendu entre vous.

    Olivier_ Je ne vois toujours pas en quoi ça vous concerne.

    Myriam_ Vous êtes poète, n'est-ce pas?

    Olivier_ Je m'y essaye..

    Myriam_ Je suis une lectrice de poésie.

    Olivier_ Et alors?

    Myriam_ Et bien je tenais juste à vous dire que si d'aventure, vous désiriez reprendre avec moi là où vous vous êtes arrêté avec elle, je suis partante.

    Olivier_ Je ne sais quoi vous répondre.

    Myriam_ Je ne vous plais pas?

    Olivier_ Ce n'est pas à ça que je pensais.. disons que je n'écris pas sur commande. Et encore moins pour collectionner des femmes.

    Myriam_ Cela vous regarde.. mais cela ne me dit pas si je vous plais ou non.

    Olivier_ Vous êtes une jolie femme.. où voulez-vous en venir exactement?

    Myriam_ Je vais être aussi claire que possible: il me plairait, contrairement à Dolores, qui n'aime rien tant que les fastes mondains, de partager avec un poète des petites soirées érotiques et littéraires. Si tant est que votre muse ne vous accapare pas trop. Je vous demande d'y penser.

    Olivier_ Je vais y réfléchir..

    Myriam_ Très bien. Je suppose que mon numéro a dû s'inscrire sur votre téléphone. Alors je vous dis au revoir.

    Olivier_ Au revoir..

     

    Dolores

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 24 Mars 2013 à 06:31
    superbe
    2
    DiaporamaX Profil de DiaporamaX
    Dimanche 24 Mars 2013 à 11:15
    Je vous suis gré d'avoir apprécier l'ironie de cette douleur. FB.
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