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Introduction au Récital du Nénuphar
Par DiaporamaX dans Récital du Nénuphar le 23 Septembre 2012 à 08:36Tags : recit, sexe, erotisme, pornographieLa création de ce blog, d'abord destiné à ouvrir un espace permettant de diffuser librement l'intégralité du recueil audio-visuel DiaporamaX, m'a amené à demander à Fred Bau si le dit recueil constituait sa seule incursion dans le domaine de l'érotisme. L'intéressé m'a confié avoir écrit plusieurs récits pornographiques, ainsi que des poèmes érotiques. Bien qu'il se soit d'abord montré plutôt réticent à l'idée de les publier sur ce blog, il s'est finalement rangé à mon avis.
Cette rubrique est consacrée au Récital du Nénuphar. Selon Fred Bau, "la littérature érotique, si elle veut être bonne, ne peut pas se contenter de produire un récit sensualiste. Elle doit aussi traduire un désir et un amour de la langue. L'écriture doit devenir l'expression même d'un désir sensuel. Si je m'efforce dans mes poèmes d'obéir à cette exigence, le Récital du Nénuphar n'entre pas dans cette catégorie. Le ton y est résolument pornographique. La plume est un phallus en rut. L'encre un mélange de bile, de salive, de sperme et de mouille. Et la page blanche, un miroir qui reflète une chatte ouverte à mes caprices. Cette chatte, c'est l'écriture. J'ai pris le parti de la baiser sans vergogne, en lui écartant les jambes à mort, comme s'il me fallait assouvir les besoins d'une femme qui raffole d'être prise dans tous les sens. Ces textes sont une débauche pamphlétaire. Je crains que l'apparent dilettantisme littéraire de cette métaphore ne suscite le malentendu".
En lisant ce récital, j'ai mieux compris les appréhensions de son auteur. Si la pornographie, dans ce qu'elle a de plus contre narratif, est omniprésente, ce n'est pas celle que l'on s'attend généralement à trouver. Le paradigme du sexe, souvent étalé dans une banale crudité, n'en est que l'enveloppe. Ce qui s'agence derrière une lingerie littéraire que Fred Bau se complait à mal mener, en décalquant parfois les vidéos pornos, c'est une suite parabolique sur l'écriture elle-même. Et partant, sur la lecture. Tout est d'ailleurs annoncé dès le premier récit, La Mécanique Orthogonale. Le récital se joue à la fois des plans et des coordonnées qu'il met en scène, en déployant une mise en abîme tantôt profonde, tantôt grotesque, au moyen d'une tension poétique réduite à ses fonctions primaires. L'économie des gestes est radicale. Le récit élude les complaisances descriptives, ainsi que les velléités psychologiques. La tangibilité du fantasme colle aux semelles du quotidien. Le dépouillement de l'image et des idées s'articule le plus souvent sous forme de dialogues masculin-féminin. Mais cette contre narration habille une suggestion où le propre et le figuré s'entre-pénètrent. L'ironie crève d'ailleurs tellement les yeux, qu'on risque de ne pas la saisir.
Ce avec quoi nous copulons dans le Récital du Nénuphar, c'est avec un dédale irrévérencieux qui tisse un fil pornographique entre le désir sexuel, celui d'écriture, et celui de lecture. "Le Récital du Nunéphar coincide en moi avec une urgence d'en finir avec la folie poétique. Cela faisait des années que je m'épanouissais en me ruinant dans le sérieux philosophico-littéraire. J'ai pris conscience que j'avais basculé dans une forme de désincarnation, sans pour autant être parvenu à me sentir écrivain. Je ne supportais plus mon attraction pour l'écriture poétique. Mon désir littéraire frôlait l'anéantissement. Il m'a fallu tourner tout ça en dérision. J'ai décidé de renouer avec un désir plus primitif: celui de foutre les femmes". Le sexe n'est toutefois ici que le mobile gestuel des récits. L'acte intersticiel est celui d'une retrouvaille charnelle et vulgaire avec la langue, paradoxalement motivée par sa propre répulsion pour l'ambition poétique. Le Récital du Nénuphar ne bascule cependant jamais dans l'apologie d'un nihilisme porn. Ce qui s'y traduit est une réaction viscérale et saine. Le langage, manifestement considéré comme une orgie collective, s'écoule sensiblement des vases de l'écriture pornographique dans ceux d'une pornographie de l'écriture.
Le satyre ne saurait sortir des bois de sa farce. Mais les nymphes qu'il chahute, avec une insouciance animale, sont enfouies en chacun de nous. Et s'il laisse libre cours aux fantasmes les plus communs, ce n'est que pour se libérer du chant des sirènes auquel il a failli succomber. "La grande littérature est bien souvent une désaxée de l'infini mathématique. C'est ce que Blanchot nomme "le piège de l'autre nuit". Les plus grands écrivains s'adonnent religieusement à une orgie infinie. Celle de la langue et des idées. Dans ce vaste banquet, chacun réclame sa part de foutre. Ce qu'il y a de terrible avec l'idée de l'infini littéraire, c'est qu'elle est inhérente à toute idée. Toute idée réclame des mots. Et les mots nous ont fatalement conduit à élaborer un infini textuel. Le problème, c'est que cet infini présente tous les aspects d'un effroyable trou noir. Si tant est qu'il y ait un Dieu, il nous abandonne tyranniquement aux cendres significatives de nos interprétations. Sade aura toujours raison sur un point: l'infinitude sexuelle contredit positivement l'abomination du vide intelligible qui fit tant peur à Pascal. Une fois qu'on a compris ça, on saisit combien le silence du monde intelligible, ainsi que le chant pernicieux des sirènes qui peuplent son océan, sont un viol absolu de la conscience finie. On comprend aussi que l'homme qui éprouve plus souvent le besoin de foutre que celui de prier, est celui qui occupe la place la moins suspecte dans la Création".
Faut-il voir dans ce récital une hyperbole pornographique qui veut reprendre contact avec la finitude? Peut-être. Comme si ce poète n'avait choisi d'en finir avec la vanité du sérieux poétique, que pour échouer à en finir avec le sérieux. Comme si la conclusion de cette farce était la suivante: on ne badine pas avec le con de la littérature.
Patrick Colinier.
Accès direct aux textes:
3 _ Lyrisme
5 _ Cour ou Jardin (variation n°1)
6 _ Cour ou Jardin (variation n°2)
7 _ Infidèle
8 _ Hystérie
9 _ Béatitude
10 _ Nymphomania
11 _ Succubus _ Totem et Baptême
12 _ Succubus _ Ascension
13 _ Incubus (première partie)
15 _ Dolores
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